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البحث الأول في علم إجتماع الإسلام من الفرنسية إلى العربية
بساط المعرفة نقاش جاد وبناء من أجل الإرتقاء والسمو :: جامعة أدرار : الجامعة الإفريقية أحمد دراية :: العلوم الإنسانية والإجتماعية والعلوم الإسلامية
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البحث الأول في علم إجتماع الإسلام من الفرنسية إلى العربية
Sociologie de l'islam, par Massimo Introvigne
Dans La Bussola, une analyse minutieuse d'un univers très fragmenté et mal connu, pour aider à comprendre ce qui se passe - ce qui va se passer - au Moyen-Orient, en particulier en Egypte... et même chez nous! (8/2/2011)
A lire, sur un sujet voisin, une interviewe du Père Guy Gilbert, dans la Croix, intitulé "L'Islam que j'aime", que j'ai trouvé sur l'excellent blog ami Belgicatho.
Je me doute que certains passages vont en hérisser certains (pas moi!) mais j'aime quand il dit:
A vous musulmans du monde entier de lutter pour que l’Islam soit une religion de « paix ».
Et j'espère que ce voeu n'est pas qu'un rêve.
L'article de Massimo Introvigne ici:
labussolaquotidiana .it
Ma traduction.
Les cinq visages de l'Islam et la clé de l'avenir de l'Egypte
Massimo Introvigne
07-02-2011
------------------------
Aux États-Unis, où je suis, le président Barack Obama - ces jours-ci cible privilégiée de la satire pour l'impréparation dont il fait preuve face à une histoire aussi complexe que celle de l'Egypte, et qui se traduit par de brusques changements d'opinion - on espère que finalement ce sont les "musulmans modérés" qui l'emporteront.
Je tiens à répondre par une affirmation qui peut sembler paradoxale, mais que je vais immédiatement expliquer: à proprement parler, il n'y pas de musulmans modérés. Parcourant en long et en large des pays à majorité musulmane, du Maroc à la Malaisie, je n'en ai jamais rencontré un. À l'inverse, en Italie, j'ai eu beaucoup de difficultés à rencontrer un musulman qui n'ait pas la prétention d'être "modéré", au point que, quand j'en rencontre un qui nie ouvertement l'être, j'en arrive à le prendre en sympathie.
Les musulmans vivant en Italie ont compris que pour vivre en paix chez nous et se faire inviter à des talk-shows à la télévision, ils doivent se présenter comme modérés, sauf dans de rares cas (souvent payés, ou avec un décret d'expulsion) de personnes prêtes à faire de l'audience en montrant au contraire, leur extrémisme à la télévision. Par exemple, un membre des Frères musulmans, le mouvement dont est issu une grande partie de l'intégrisme islamique, se présentera comme "modéré" à la télévision en Italie, mais n'utiliserait jamais ce mot en Egypte ou en Jordanie.
La faute n'en revient pas seulement aux musulmans . Une grande partie de la presse divise les partisans de l'islam en deux catégories: «terroristes» et «modérés». Non sans une certaine logique, de nombreux musulmans en concluent que s'il ne s'auto-définissent pas "modérés" , ils seront étiquetés comme "terroristes", avec toutes les conséquences que cela implique. Ainsi, si on déécode son discours, un membre des Frères musulmans peut simplement tenter de tromper l'interlocuteur italien en se présentant comme "modéré". Mais si cela signifie ne pas être un terroriste et n'avoir aucune sympathie pour Ben Laden - même s'il en a pour le Hamas - ce n'est pas, à proprement parler, un mensonge.
Décodage est le mot-clé, parce que "musulman modéré" est utilisée en vrac pour un certain nombre de catégories , créant une confusion considérable. Le phénomène potentiellement le plus trompeur est la présentation comme "musulmans modérés" d'intellectuels qui sont modérés, mais ne sont pas musulmans. Parfois, on cite des penseurs et des politiciens rigoureusement marxistes, ou des adeptes convaincus de la maçonnerie anti-religieuse de matrice française, très attachés à leurs tabliers, comme des "musulmans modérés", uniquement parce qu'ils sont nés de parents musulmans
Certes, il est plus facile de se tromper sur l'islam qui - au moins dans le monde sunnite - n'a pas d'organisation hiérarchique ou d'«Eglise», qui définisse avec autorité ceux qui sont dedans, et ceux qui sont dehors.
Mais tout penseur musulman autorisé dira que pour être musulman, il faut croire obligatoirement qu'Allah est le seul Dieu , ce qui implique - c'est un lieu commun, mais ce n'est pas rien - être avant tout sûr que Dieu existe, et que Mahomet est son prophète, Par conséquent, que le Coran est "le" Livre - pas seulement "l'un des livres" - qui contient la plénitude de la révélation divine.
Comme l'Islam est une religion qui implique un certain formalisme, la majorité des écoles juridiques et théologiques nierait que soit musulman quiconque ne respecte pas au moins les devoirs de la prière quotidienne et le jeûne du Ramadan, et aurait des soupçons envers ceux qui mangent du porc ou boivent de l'alcool, alors qu'elles seraient plus tolérantes sur la non-fréquentation des mosquées, qui, pour la majorité des musulmans - contrairement à ce qui se passe pour les catholiques, qui ont l'obligation d'aller à la messe - ne fait pas partie des devoirs fondamentaux du culte.
En Amérique et en Italie, on a cité parmi les "musulmans modérés" Ayaan Hirshi Ali, la compagne du cinéaste néerlandais assassiné Theo Van Gogh (1957-2004). Après avoir débattu publiquement il y a quelques années à Toronto avec Mme Ali - à laquelle je ne refuse évidemment pas ma pleine sympathie lorsque des terroristes essaient de tuer - je pense pouvoir exclure l'idée qu'elle soit musulmane, dès lors qu'elle soutient que Dieu n'existe pas et que toutes les religions - islam, judaïsme, christianisme, hindouisme - sont nocives pour les humains et encore plus pour les femmes et les gays, dès lors qu'elles perpétuent un dangereux système patriarcal et une morale sexuelle archaïque. La position de Ayaan Hirshi Ali, bien que plus répandue qu'on ne le pense chez certaines élites nées musulmanes, est extrême. Beaucoup d'autres intellectuels nés de parents musulmans ne respectent pas le jeûne du ramadan, mangent du porc, boivent de l'alcool, ne croient pas que le Coran est le Livre révélé par Dieu, mais en même temps réclament la valeur de l'islam comme un «patrimoine culturel», vantant même la splendeur de l'art musulman et la grandeur de philosophes islamiques du Moyen Age.
Certains de ces intellectuels, qu'on rencontre souvent lors de congrès, pourront être de très intelligents observateurs de la réalité musulmane, nationale et internationale, de bons journalistes, des consultants précieux: mais ce ne sont pas des "musulmans modérés" parce qu'ils n'atteignent pas le niveau d'orthodoxie et l'orthopraxie minimum pour les définir comme "musulmans".
Certains d'entre eux répondraient probablement - puisque nés de parents sunnites (le discours serait quelque peu différent pour les chiites) - qu'il n'existe aucune autorité qui pourrait leur refuser le statut de musulmans . Objection impeccable du point de vue formel. Cependant, du point de vue du fond, le fait que l'islam (sunnite) soit une religion «horizontale» (comme l'hindouisme), sans hiérarchie en mesure de déterminer avec autorité qui est musulman et qui ne l'est pas, cela ne signifie pas que le mot «musulman» est devenu complètement vide de sens. Même si un taliban de l'athéisme comme le philosophe turinois Carlo Augusto Viano a qualifié de "crypto-catholiques" Eugenio Scalfari (ndt: fondateur de La Repubblica, déjà rencontré ici) et Emma Bonino parce qu'il leur arrive de parler du monde catholique avec un respect à ses yeux déplacé, nous n'avons pas besoin d'une déclaration du pape pour affirmer que ni Scalfari ni Bonino ne sont catholiques. Il suffit de bon sens et de l'usage normal des mots.
Ainsi - même si l'Islam n'a pas de pape pour le certifier (mais pas non plus pour certifier le contraire) - ne sont pas musulmans ceux qui ne croient pas dans le caractère divin du Coran et ne pratiquent pas les droits fondamentaux de la foi, qui, dans une religion sans hiérarchie et sans une théologie partagée sont plus régementés que dans le catholicisme: alors qu'il y a des "catholiques non-pratiquants", il est difficile de concevoir des "musulmans non-pratiquants" dans le sens où ils ne prient ni ne pratiquent le jeûne. Bien sûr, il y a des "musulmans qui ne vont pas à la mosquée", lesquels sont musulmans de toutes façons, et sont souvent loin d'être «modérés». Mais aller à la mosquée, comme on vient de l'expliquer, n'est pas obligatoire dans l'islam.
Une fois défriché le terrain des "musulmans modérés" qui ne sont pas musulmans, nous pouvons nous occuper de ceux qui sont musulmans mais ne sont pas modérés. La modération est, en effet, une caractéristique difficile à définir, sinon "per relationem". S'il est difficile de dire qui est un modéré, il est relativement facile de dire que quelqu'un est plus modéré que quelqu'un d'autre. Par exemple- si l'on utilise des paramètres tels que la relation avec le terrorisme, avec les États-Unis ou avec Israël - on peut dire que le roi d'Arabie saoudite est plus "modéré" que les dirigeants des Frères musulmans égyptiens, et que ces derniers sont plus modérés que Ben Laden.
Cependant, si nous utilisons les trois critères proposés dans ses voyages en Turquie et en Terre Sainte par le Pape Benoît XVI comme condition pour le dialogue avec l'islam - rejet inconditionnel du terrorisme (ce qui signifie condamnation du Hamas et pas seulement d'Al-Qaida), respect des droits de l'homme en général, y compris ceux des femmes, liberté des minorités religieuses non seulement comme liberté de culte mais comme mission, ce qui entraîne le droit du musulman qui se conforme à cette prédication de se convertir au christianisme - et si nous qualifions de «modéré» quiconque répond à ces critères, ne sont «modérés» ni le roi d'Arabie saoudite, ni les Frères musulmans, ni Ben Laden. Mais alors que nous arrivons à cette conclusion nécessaire, nous voyons que la grille qui sépare un milliard et demi de musulmans en «modérés» et «terroristes» est manifestement inappropriée, car elle met du même côté coupeurs de gorge professionnels et ennemis jurés d'Al-Qaïda tels que le roi saoudien Abdullah, ainsi que pro-américains et anti-américains, une distinction qui n'est pas sans importance, au Moyen-Orient et ailleurs.
S'ensuit alors l'opportunité d'abandonner la commode mais finalement trompeuse étiquette de «modérés», que du reste beaucoup refusent dans certains pays à majorité musulmane, et de suivre au contraire les critères complexes et plus élaborés des chercheurs américains. Même s'il arrive qu'elle n'aide pas les politiques en adoptant une pléthore de terminologies différentes, ces derniers divisent le milliard et demi de musulmans en au moins cinq catégories que l'auteur, avec d'autres, préfère appeler ultraprogressistes, progressistes, conservateurs, fondamentalistes et ultrafondamentalistes.
Les mots choisis pour décrire chaque catégorie varient, mais la substance - même parmi les chercheurs de tendances différentes - est souvent proche, de façon même surprenante. Si le thème est la relation avec la modernité - et avec la notion moderne des droits de l'homme - les progressistes sont les musulmans qui acceptent la modernité comme inévitable, et les ultraprogressistes ceux qui l'embrassent avec enthousiasme, érodant ainsi lentement l'intégrité de la doctrine traditionnelle, tout en restant encore au sein de l'islam. Dans le cas contraire, il ne s'agirait pas de musulmans, ni même ultraprogressistes, mais d'intellectuels non-croyants d'origine islamique.
Ces positions ne sont inexistantes ni dans les pays islamiques, ni parmi l'émigration, mais ils sont ultra-minoritaires. Quand ils se présentent aux élections - là où il y a des élections - ils atteignent rarement des pourcentages à deux chiffres. On ne peut pas non plus dire avec certitude que les progressistes sont en augmentation. On les trouve principalement parmi les intellectuels, et ils sont réunis à deux endroits: dans les pays islamiques, dans les cimetières - parce qu'il est facile pour les gouvernements ultrafondamentalistes de leur faire la peau - et en Occident dans les universités et les rédactions des grands journaux.
La bonne nouvelle, c'est que les idées de la majorité des musulmans de la planète ne sont ni fondamentalistes, ni ultrafondamentalistes. On définit généralement comme fondamentaliste un musulman qui juge de manière globalement négative la modernité et l'approche occidentale des droits de l'homme - même s'il utilise ses produits, depuis les armes modernes jusqu'à Internet: celui qui se méfie aussi des produits est appelé, plutôt que fondamentaliste, traditionaliste - et ultrafondamentaliste, celui qui n'exclut pas la violence et le terrorisme de la gamme des instruments à travers lesquels il traduit son refus. Les fondamentalistes ne sont pas, comme on le dit souvent, une petite minorité. Ceux qui le sont, ce sont les terroristes ultra-fondamentalistes et leurs affidés directs - 50 mille à 100 mille musulmans: la plus grande force de frappe du terrorisme mondial, mais 0,01% de l'Islam dans son ensemble - alors que les organisations fondamentalistes peuvent compter sur environ 50 millions d'adeptes et de sympathisants dans le monde (moins de 5% des musulmans), auxquels s'ajoutent au moins autant de "traditionalistes" qui sont proches des fondamentalistes pour la théologie, mais qui s'occupent plus de morale individuelle et moins de politique.
Le personnage qui est à l'origine du mouvement fondamentaliste est l'Egyptien Hassan al-Banna (1906-1949), fondateur en 1928 des Frères musulmans , toujours la plus grande organisation fondamentaliste au monde. Dans les années 1940 al-Banna voit dans la question de la Palestine la possibilité d'indiquer à ses disciples la dimension supranationale de la communauté islamique, la umma , transformant un mouvement de l'horizon limité égyptien en une réalité musulmane mondiale. La propagande en faveur de la cause palestinienne est à la base même du succès international du mouvement dans les années 1935-1945. C'est pourquoi les Frères musulmans concentrent leurs efforts en Palestine, et c'est la branche palestinienne des Frères musulmans qui, après diverses péripéties, donnera naissance en 1987, au Hamas, une réalité qui se définit à l'article 2 de son statut comme "une branche des Frères musulmans en Palestine".
En 1954, le président égyptien Gamal Abdel Nasser (1918-1970 ), qui avait aussi été affilié aux Frères musulmans dans sa jeunesse, les met hors la loi, dans le cadre du plus classique des affrontements entre nationalistes laïcs et fondamentalistes. Suite à cet événement, le mouvement fondamentaliste se scinde en deux lignes: une «néo-traditionaliste», qui propose une voie non-violente d'«islamisation par le bas» de la société, avant de viser le pouvoir, et une «radicale», qui pointe à l '"islamisation par le haut" après la conquête du pouvoir par des moyens, si nécessaire, violents et n'exclut pas la possibilité du terrorisme.
En Egypte, la voie «radicale» est représentée par le richissime intellectuel Ayman al-Zawahiri, numéro deux d'Al-Qaïda; et celle "néo-traditionaliste" par l'actuel dirigeant des Frères musulmans, qui a une réelle opportunité de prendre le pouvoir dans l'après- Moubarak parce qu'il représente la force politique la plus répandue en Egypte à travers une myriade d'organisations professionnelles et culturelles. Ces dirigeants ne doivent pas être confondus avec les terroristes d'al-Zawahiri. Mais ils sont certainement des fondamentalistes et, en aucun sens du terme des «modérés».
La grande majorité des musulmans, cependant, n'est ni progressiste ni fondamentaliste . Elle se situe à mi-chemin entre les progressistes et les fondamentalistes et le mot qui les définit le mieux est: conservateurs; même si les «conservateurs» ne sont tous équivalents et qu'il conviendrait d'introduire des distinctions plus complexes. Les conservateurs ne sont pas progressistes: ils restent très perplexes quant aux déclarations occidentales des droits de l'homme parce qu'ils pensent que les droits de l'homme constituent une menace pour les droits souverains de Dieu; ils ne veulent pas non plus entendre parler d'approche moderne - càd historico-critique - du Coran, car ils craignent qu'il finisse comme la Bible entre les mains d'exégètes d'universités occidentales lors des deux derniers siècles; ils veulent qu'aux femmes, il soit permis - pas obligé mais au moins fortement recommandé - de porter le voile partout.
Sur les questions qui tiennent à coeur aux Européens et aux Américains, comme la liberté religieuse des minorités dans les pays islamiques, les droits des femmes, la polygamie, l'existence de l'Etat d'Israël, ils ne sont pas prêts à adopter immédiatement le point de vue occidental, mais ils sont prêts à en discuter, ce qui les différencie des fondamentalistes.
Comme beaucoup d'entre eux - dont certains dirigent des mouvements comptant des millions, voire des dizaines de millions de membres, même si ce sont des groupes dont les noms restent inconnus en Occident, contrairement à des réalités plus réduites comme les Frères musulmans et Al-Qaïda - l'ont écrit au pape après le discours de Ratisbonne en 2006 , ils sont en désaccord avec lui quand il dit que les notions de Dieu et de la relation entre la raison et la foi qui prévalent dans l'Islam laissent une porte ouverte à la violence, mais ils sont disposés à dialoguer du fait que la violence et le terrorisme sont en effet une plaie ouverte dans l'islam contemporain, on ne peut pas se contenter de les liquider comme non-islamiques, et ils mettent en cause , au moins par omission ( par défaut de condamantion) la responsabilité d'élites islamiques qui n'ont pas approfondi le problème à temps.
Les musulmans conservateurs ne sont pas comme Ayaan Hirsi Alih . Ni «comme nous», à aucun point de vue. Ils ne sont pas des "musulmans modérés" comme pourrait les imaginer Obama. Ils sont aussi différents des Frères musulmans. Mais ils sont la grande majorité des musulmans: plus d'un milliard de personnes à qui - comme l'a montré Benoît XVI, en paroles et en action - l'Eglise catholique est disponible à ouvrir un dialogue. Précisant, cependant, que la clé de la porte du dialogue est entre les mains de ces musulmans. Qu'ils débattent aussi de leurs problèmes. Mais le dialogue n'est possible qu'avec ceux qui respectent les droits humains, et condamnent la violence et le terrorisme - oui, même à l'encontre d'Israël - et concèdent dans les pays musulmans ces droits des minorités religieuses qu'ils revendiquent pour eux en Occident.
Dans La Bussola, une analyse minutieuse d'un univers très fragmenté et mal connu, pour aider à comprendre ce qui se passe - ce qui va se passer - au Moyen-Orient, en particulier en Egypte... et même chez nous! (8/2/2011)
A lire, sur un sujet voisin, une interviewe du Père Guy Gilbert, dans la Croix, intitulé "L'Islam que j'aime", que j'ai trouvé sur l'excellent blog ami Belgicatho.
Je me doute que certains passages vont en hérisser certains (pas moi!) mais j'aime quand il dit:
A vous musulmans du monde entier de lutter pour que l’Islam soit une religion de « paix ».
Et j'espère que ce voeu n'est pas qu'un rêve.
L'article de Massimo Introvigne ici:
labussolaquotidiana .it
Ma traduction.
Les cinq visages de l'Islam et la clé de l'avenir de l'Egypte
Massimo Introvigne
07-02-2011
------------------------
Aux États-Unis, où je suis, le président Barack Obama - ces jours-ci cible privilégiée de la satire pour l'impréparation dont il fait preuve face à une histoire aussi complexe que celle de l'Egypte, et qui se traduit par de brusques changements d'opinion - on espère que finalement ce sont les "musulmans modérés" qui l'emporteront.
Je tiens à répondre par une affirmation qui peut sembler paradoxale, mais que je vais immédiatement expliquer: à proprement parler, il n'y pas de musulmans modérés. Parcourant en long et en large des pays à majorité musulmane, du Maroc à la Malaisie, je n'en ai jamais rencontré un. À l'inverse, en Italie, j'ai eu beaucoup de difficultés à rencontrer un musulman qui n'ait pas la prétention d'être "modéré", au point que, quand j'en rencontre un qui nie ouvertement l'être, j'en arrive à le prendre en sympathie.
Les musulmans vivant en Italie ont compris que pour vivre en paix chez nous et se faire inviter à des talk-shows à la télévision, ils doivent se présenter comme modérés, sauf dans de rares cas (souvent payés, ou avec un décret d'expulsion) de personnes prêtes à faire de l'audience en montrant au contraire, leur extrémisme à la télévision. Par exemple, un membre des Frères musulmans, le mouvement dont est issu une grande partie de l'intégrisme islamique, se présentera comme "modéré" à la télévision en Italie, mais n'utiliserait jamais ce mot en Egypte ou en Jordanie.
La faute n'en revient pas seulement aux musulmans . Une grande partie de la presse divise les partisans de l'islam en deux catégories: «terroristes» et «modérés». Non sans une certaine logique, de nombreux musulmans en concluent que s'il ne s'auto-définissent pas "modérés" , ils seront étiquetés comme "terroristes", avec toutes les conséquences que cela implique. Ainsi, si on déécode son discours, un membre des Frères musulmans peut simplement tenter de tromper l'interlocuteur italien en se présentant comme "modéré". Mais si cela signifie ne pas être un terroriste et n'avoir aucune sympathie pour Ben Laden - même s'il en a pour le Hamas - ce n'est pas, à proprement parler, un mensonge.
Décodage est le mot-clé, parce que "musulman modéré" est utilisée en vrac pour un certain nombre de catégories , créant une confusion considérable. Le phénomène potentiellement le plus trompeur est la présentation comme "musulmans modérés" d'intellectuels qui sont modérés, mais ne sont pas musulmans. Parfois, on cite des penseurs et des politiciens rigoureusement marxistes, ou des adeptes convaincus de la maçonnerie anti-religieuse de matrice française, très attachés à leurs tabliers, comme des "musulmans modérés", uniquement parce qu'ils sont nés de parents musulmans
Certes, il est plus facile de se tromper sur l'islam qui - au moins dans le monde sunnite - n'a pas d'organisation hiérarchique ou d'«Eglise», qui définisse avec autorité ceux qui sont dedans, et ceux qui sont dehors.
Mais tout penseur musulman autorisé dira que pour être musulman, il faut croire obligatoirement qu'Allah est le seul Dieu , ce qui implique - c'est un lieu commun, mais ce n'est pas rien - être avant tout sûr que Dieu existe, et que Mahomet est son prophète, Par conséquent, que le Coran est "le" Livre - pas seulement "l'un des livres" - qui contient la plénitude de la révélation divine.
Comme l'Islam est une religion qui implique un certain formalisme, la majorité des écoles juridiques et théologiques nierait que soit musulman quiconque ne respecte pas au moins les devoirs de la prière quotidienne et le jeûne du Ramadan, et aurait des soupçons envers ceux qui mangent du porc ou boivent de l'alcool, alors qu'elles seraient plus tolérantes sur la non-fréquentation des mosquées, qui, pour la majorité des musulmans - contrairement à ce qui se passe pour les catholiques, qui ont l'obligation d'aller à la messe - ne fait pas partie des devoirs fondamentaux du culte.
En Amérique et en Italie, on a cité parmi les "musulmans modérés" Ayaan Hirshi Ali, la compagne du cinéaste néerlandais assassiné Theo Van Gogh (1957-2004). Après avoir débattu publiquement il y a quelques années à Toronto avec Mme Ali - à laquelle je ne refuse évidemment pas ma pleine sympathie lorsque des terroristes essaient de tuer - je pense pouvoir exclure l'idée qu'elle soit musulmane, dès lors qu'elle soutient que Dieu n'existe pas et que toutes les religions - islam, judaïsme, christianisme, hindouisme - sont nocives pour les humains et encore plus pour les femmes et les gays, dès lors qu'elles perpétuent un dangereux système patriarcal et une morale sexuelle archaïque. La position de Ayaan Hirshi Ali, bien que plus répandue qu'on ne le pense chez certaines élites nées musulmanes, est extrême. Beaucoup d'autres intellectuels nés de parents musulmans ne respectent pas le jeûne du ramadan, mangent du porc, boivent de l'alcool, ne croient pas que le Coran est le Livre révélé par Dieu, mais en même temps réclament la valeur de l'islam comme un «patrimoine culturel», vantant même la splendeur de l'art musulman et la grandeur de philosophes islamiques du Moyen Age.
Certains de ces intellectuels, qu'on rencontre souvent lors de congrès, pourront être de très intelligents observateurs de la réalité musulmane, nationale et internationale, de bons journalistes, des consultants précieux: mais ce ne sont pas des "musulmans modérés" parce qu'ils n'atteignent pas le niveau d'orthodoxie et l'orthopraxie minimum pour les définir comme "musulmans".
Certains d'entre eux répondraient probablement - puisque nés de parents sunnites (le discours serait quelque peu différent pour les chiites) - qu'il n'existe aucune autorité qui pourrait leur refuser le statut de musulmans . Objection impeccable du point de vue formel. Cependant, du point de vue du fond, le fait que l'islam (sunnite) soit une religion «horizontale» (comme l'hindouisme), sans hiérarchie en mesure de déterminer avec autorité qui est musulman et qui ne l'est pas, cela ne signifie pas que le mot «musulman» est devenu complètement vide de sens. Même si un taliban de l'athéisme comme le philosophe turinois Carlo Augusto Viano a qualifié de "crypto-catholiques" Eugenio Scalfari (ndt: fondateur de La Repubblica, déjà rencontré ici) et Emma Bonino parce qu'il leur arrive de parler du monde catholique avec un respect à ses yeux déplacé, nous n'avons pas besoin d'une déclaration du pape pour affirmer que ni Scalfari ni Bonino ne sont catholiques. Il suffit de bon sens et de l'usage normal des mots.
Ainsi - même si l'Islam n'a pas de pape pour le certifier (mais pas non plus pour certifier le contraire) - ne sont pas musulmans ceux qui ne croient pas dans le caractère divin du Coran et ne pratiquent pas les droits fondamentaux de la foi, qui, dans une religion sans hiérarchie et sans une théologie partagée sont plus régementés que dans le catholicisme: alors qu'il y a des "catholiques non-pratiquants", il est difficile de concevoir des "musulmans non-pratiquants" dans le sens où ils ne prient ni ne pratiquent le jeûne. Bien sûr, il y a des "musulmans qui ne vont pas à la mosquée", lesquels sont musulmans de toutes façons, et sont souvent loin d'être «modérés». Mais aller à la mosquée, comme on vient de l'expliquer, n'est pas obligatoire dans l'islam.
Une fois défriché le terrain des "musulmans modérés" qui ne sont pas musulmans, nous pouvons nous occuper de ceux qui sont musulmans mais ne sont pas modérés. La modération est, en effet, une caractéristique difficile à définir, sinon "per relationem". S'il est difficile de dire qui est un modéré, il est relativement facile de dire que quelqu'un est plus modéré que quelqu'un d'autre. Par exemple- si l'on utilise des paramètres tels que la relation avec le terrorisme, avec les États-Unis ou avec Israël - on peut dire que le roi d'Arabie saoudite est plus "modéré" que les dirigeants des Frères musulmans égyptiens, et que ces derniers sont plus modérés que Ben Laden.
Cependant, si nous utilisons les trois critères proposés dans ses voyages en Turquie et en Terre Sainte par le Pape Benoît XVI comme condition pour le dialogue avec l'islam - rejet inconditionnel du terrorisme (ce qui signifie condamnation du Hamas et pas seulement d'Al-Qaida), respect des droits de l'homme en général, y compris ceux des femmes, liberté des minorités religieuses non seulement comme liberté de culte mais comme mission, ce qui entraîne le droit du musulman qui se conforme à cette prédication de se convertir au christianisme - et si nous qualifions de «modéré» quiconque répond à ces critères, ne sont «modérés» ni le roi d'Arabie saoudite, ni les Frères musulmans, ni Ben Laden. Mais alors que nous arrivons à cette conclusion nécessaire, nous voyons que la grille qui sépare un milliard et demi de musulmans en «modérés» et «terroristes» est manifestement inappropriée, car elle met du même côté coupeurs de gorge professionnels et ennemis jurés d'Al-Qaïda tels que le roi saoudien Abdullah, ainsi que pro-américains et anti-américains, une distinction qui n'est pas sans importance, au Moyen-Orient et ailleurs.
S'ensuit alors l'opportunité d'abandonner la commode mais finalement trompeuse étiquette de «modérés», que du reste beaucoup refusent dans certains pays à majorité musulmane, et de suivre au contraire les critères complexes et plus élaborés des chercheurs américains. Même s'il arrive qu'elle n'aide pas les politiques en adoptant une pléthore de terminologies différentes, ces derniers divisent le milliard et demi de musulmans en au moins cinq catégories que l'auteur, avec d'autres, préfère appeler ultraprogressistes, progressistes, conservateurs, fondamentalistes et ultrafondamentalistes.
Les mots choisis pour décrire chaque catégorie varient, mais la substance - même parmi les chercheurs de tendances différentes - est souvent proche, de façon même surprenante. Si le thème est la relation avec la modernité - et avec la notion moderne des droits de l'homme - les progressistes sont les musulmans qui acceptent la modernité comme inévitable, et les ultraprogressistes ceux qui l'embrassent avec enthousiasme, érodant ainsi lentement l'intégrité de la doctrine traditionnelle, tout en restant encore au sein de l'islam. Dans le cas contraire, il ne s'agirait pas de musulmans, ni même ultraprogressistes, mais d'intellectuels non-croyants d'origine islamique.
Ces positions ne sont inexistantes ni dans les pays islamiques, ni parmi l'émigration, mais ils sont ultra-minoritaires. Quand ils se présentent aux élections - là où il y a des élections - ils atteignent rarement des pourcentages à deux chiffres. On ne peut pas non plus dire avec certitude que les progressistes sont en augmentation. On les trouve principalement parmi les intellectuels, et ils sont réunis à deux endroits: dans les pays islamiques, dans les cimetières - parce qu'il est facile pour les gouvernements ultrafondamentalistes de leur faire la peau - et en Occident dans les universités et les rédactions des grands journaux.
La bonne nouvelle, c'est que les idées de la majorité des musulmans de la planète ne sont ni fondamentalistes, ni ultrafondamentalistes. On définit généralement comme fondamentaliste un musulman qui juge de manière globalement négative la modernité et l'approche occidentale des droits de l'homme - même s'il utilise ses produits, depuis les armes modernes jusqu'à Internet: celui qui se méfie aussi des produits est appelé, plutôt que fondamentaliste, traditionaliste - et ultrafondamentaliste, celui qui n'exclut pas la violence et le terrorisme de la gamme des instruments à travers lesquels il traduit son refus. Les fondamentalistes ne sont pas, comme on le dit souvent, une petite minorité. Ceux qui le sont, ce sont les terroristes ultra-fondamentalistes et leurs affidés directs - 50 mille à 100 mille musulmans: la plus grande force de frappe du terrorisme mondial, mais 0,01% de l'Islam dans son ensemble - alors que les organisations fondamentalistes peuvent compter sur environ 50 millions d'adeptes et de sympathisants dans le monde (moins de 5% des musulmans), auxquels s'ajoutent au moins autant de "traditionalistes" qui sont proches des fondamentalistes pour la théologie, mais qui s'occupent plus de morale individuelle et moins de politique.
Le personnage qui est à l'origine du mouvement fondamentaliste est l'Egyptien Hassan al-Banna (1906-1949), fondateur en 1928 des Frères musulmans , toujours la plus grande organisation fondamentaliste au monde. Dans les années 1940 al-Banna voit dans la question de la Palestine la possibilité d'indiquer à ses disciples la dimension supranationale de la communauté islamique, la umma , transformant un mouvement de l'horizon limité égyptien en une réalité musulmane mondiale. La propagande en faveur de la cause palestinienne est à la base même du succès international du mouvement dans les années 1935-1945. C'est pourquoi les Frères musulmans concentrent leurs efforts en Palestine, et c'est la branche palestinienne des Frères musulmans qui, après diverses péripéties, donnera naissance en 1987, au Hamas, une réalité qui se définit à l'article 2 de son statut comme "une branche des Frères musulmans en Palestine".
En 1954, le président égyptien Gamal Abdel Nasser (1918-1970 ), qui avait aussi été affilié aux Frères musulmans dans sa jeunesse, les met hors la loi, dans le cadre du plus classique des affrontements entre nationalistes laïcs et fondamentalistes. Suite à cet événement, le mouvement fondamentaliste se scinde en deux lignes: une «néo-traditionaliste», qui propose une voie non-violente d'«islamisation par le bas» de la société, avant de viser le pouvoir, et une «radicale», qui pointe à l '"islamisation par le haut" après la conquête du pouvoir par des moyens, si nécessaire, violents et n'exclut pas la possibilité du terrorisme.
En Egypte, la voie «radicale» est représentée par le richissime intellectuel Ayman al-Zawahiri, numéro deux d'Al-Qaïda; et celle "néo-traditionaliste" par l'actuel dirigeant des Frères musulmans, qui a une réelle opportunité de prendre le pouvoir dans l'après- Moubarak parce qu'il représente la force politique la plus répandue en Egypte à travers une myriade d'organisations professionnelles et culturelles. Ces dirigeants ne doivent pas être confondus avec les terroristes d'al-Zawahiri. Mais ils sont certainement des fondamentalistes et, en aucun sens du terme des «modérés».
La grande majorité des musulmans, cependant, n'est ni progressiste ni fondamentaliste . Elle se situe à mi-chemin entre les progressistes et les fondamentalistes et le mot qui les définit le mieux est: conservateurs; même si les «conservateurs» ne sont tous équivalents et qu'il conviendrait d'introduire des distinctions plus complexes. Les conservateurs ne sont pas progressistes: ils restent très perplexes quant aux déclarations occidentales des droits de l'homme parce qu'ils pensent que les droits de l'homme constituent une menace pour les droits souverains de Dieu; ils ne veulent pas non plus entendre parler d'approche moderne - càd historico-critique - du Coran, car ils craignent qu'il finisse comme la Bible entre les mains d'exégètes d'universités occidentales lors des deux derniers siècles; ils veulent qu'aux femmes, il soit permis - pas obligé mais au moins fortement recommandé - de porter le voile partout.
Sur les questions qui tiennent à coeur aux Européens et aux Américains, comme la liberté religieuse des minorités dans les pays islamiques, les droits des femmes, la polygamie, l'existence de l'Etat d'Israël, ils ne sont pas prêts à adopter immédiatement le point de vue occidental, mais ils sont prêts à en discuter, ce qui les différencie des fondamentalistes.
Comme beaucoup d'entre eux - dont certains dirigent des mouvements comptant des millions, voire des dizaines de millions de membres, même si ce sont des groupes dont les noms restent inconnus en Occident, contrairement à des réalités plus réduites comme les Frères musulmans et Al-Qaïda - l'ont écrit au pape après le discours de Ratisbonne en 2006 , ils sont en désaccord avec lui quand il dit que les notions de Dieu et de la relation entre la raison et la foi qui prévalent dans l'Islam laissent une porte ouverte à la violence, mais ils sont disposés à dialoguer du fait que la violence et le terrorisme sont en effet une plaie ouverte dans l'islam contemporain, on ne peut pas se contenter de les liquider comme non-islamiques, et ils mettent en cause , au moins par omission ( par défaut de condamantion) la responsabilité d'élites islamiques qui n'ont pas approfondi le problème à temps.
Les musulmans conservateurs ne sont pas comme Ayaan Hirsi Alih . Ni «comme nous», à aucun point de vue. Ils ne sont pas des "musulmans modérés" comme pourrait les imaginer Obama. Ils sont aussi différents des Frères musulmans. Mais ils sont la grande majorité des musulmans: plus d'un milliard de personnes à qui - comme l'a montré Benoît XVI, en paroles et en action - l'Eglise catholique est disponible à ouvrir un dialogue. Précisant, cependant, que la clé de la porte du dialogue est entre les mains de ces musulmans. Qu'ils débattent aussi de leurs problèmes. Mais le dialogue n'est possible qu'avec ceux qui respectent les droits humains, et condamnent la violence et le terrorisme - oui, même à l'encontre d'Israël - et concèdent dans les pays musulmans ces droits des minorités religieuses qu'ils revendiquent pour eux en Occident.
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تاريخ التسجيل : 27/11/2012
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